Le premier ministre Justin Trudeau a finalement pris des mesures pour freiner la propagation du variant indien, le B1617, - dont le premier cas a été recensé hier au Québec. Les vols en provenance de l’Inde et du Pakistan sont interdits pour une période de 30 jours. L’Inde a recensé, mercredi, près de 315 000 nouveaux cas de Covid-19, un record mondial.
Pendant ce temps, Le premier ministre britannique Boris Johnson a annulé son voyage en Inde et le pays a été ajouté à la « liste rouge » des destinations restreintes du Royaume-Uni.
En Grande-Bretagne, le variant est actuellement « en cours d’investigation », mais contrairement à ceux du Kent (B117), de l’Afrique du Sud (1351) et du Brésil (P1), il n’a pas été désigné comme « variant préoccupant ».
Cela signifie-t-il qu’il ne faut pas s’en inquiéter ? Voici ce que nous savons de ses effets jusqu’à présent.
Ce variant est-il plus contagieux ?
Nous croyons que ce variant peut se propager plus facilement que les formes précédentes du virus. Cela est dû à une mutation qu’il porte, appelée L452R, qui affecte la protéine spike du virus. Il s’agit de la « clé » que le coronavirus utilise pour déverrouiller nos cellules.
La mutation L452R modifie la partie de la protéine spike qui interagit directement avec l’ACE2, la molécule à la surface de nos cellules à laquelle le virus se lie pour y pénétrer. Les premières recherches — qui doivent encore être examinées par d’autres scientifiques — suggèrent que la mutation L452R permet au virus de se lier aux cellules de manière plus stable. Pour les variants précédents, dont celui du Kent, des mutations comme celle-ci améliorent la capacité de liaison du virus et le rendent plus infectieux.
Le variant B1427 détecté en Californie contient la même mutation L452R que le B1617. Il est estimé être environ 20 % plus transmissible que la forme antérieure du coronavirus qui circulait lors de la première vague.
Est-il plus dangereux ?
Les mutations telles que L452R, qui facilitent la liaison, n’entraînent pas nécessairement une maladie plus grave ou ne rendent pas le virus plus mortel. Par exemple, si la variante B1427 semble se propager plus facilement, les recherches préliminaires n’ont pas montré qu’elle était associée à des infections plus graves ou à des charges virales plus élevées. Il pourrait en être de même pour la variante B1617, bien que cela doive encore être étudié.
Mais l’impact que le B1617 pourrait avoir sur l’efficacité des vaccins est particulièrement préoccupant. La grande majorité des vaccins développés contre le coronavirus sont basés sur le ciblage de la protéine spike. Cette protéine se trouvant à la surface externe du virus, c’est elle que votre système immunitaire « voit » principalement lors d’une infection et contre laquelle il produit donc des anticorps efficaces. Si des mutations modifient la forme de la protéine spike, ces anticorps peuvent devenir moins efficaces.
En effet, des études préliminaires suggèrent que la mutation L452R pourrait aider le virus à échapper au système immunitaire. En outre, le virus B1617 porte une deuxième mutation, appelée E484Q, qui modifie également la protéine spike. Les recherches suggèrent que de telles mutations (qui affectent la même zone de la protéine spike) peuvent également rendre le virus moins sensible aux anticorps préexistants.
Les premières études non révisées des effets de ces mutations sur le B1617 suggèrent qu’elles rendent effectivement la variante moins sensible aux anticorps générés précédemment. Cependant, il est important de souligner que ces résultats n’ont été démontrés que dans des expériences de laboratoire et non sur des personnes.
Devons-nous être inquiets ?
Le ministère indien de la Santé a déclaré que l’augmentation du nombre de cas dans son pays n’est pas liée à ces mutations. Celles du B1617 n’ont pas été détectées en quantité suffisante pour déterminer si le variant est directement responsable. Cependant, cela peut être dû à un manque de données, et de nombreux experts ont souligné l’importance d’augmenter le séquençage du virus afin d’obtenir une meilleure image.
Il est encore trop tôt pour dire si cette variante constituera une menace importante pour les efforts de lutte contre le virus. Toutefois, comme toujours en matière de santé publique, il vaut mieux prévenir que guérir. Nous devons donc poursuivre nos efforts pour contrôler le virus, tant en termes de réglementation — masques, distanciation sociale, etc. — que de vaccination, dépistage de masse et de séquençage du génome. En continuant à combattre le virus, nous pouvons limiter l’impact de ce variant.
La plus grande source d’inquiétude serait que le B1617 sape les efforts de vaccination. Si ce variant est capable de provoquer la maladie chez les personnes vaccinées, il risque de créer des épidémies à grande échelle dans le monde entier.
Des travaux visant à créer des vaccins de rappel pour faire face aux variants actuels et futurs sont déjà en cours, mais il est trop tôt pour dire s’ils seront nécessaires pour contrôler spécifiquement le B1617.
Cependant, un moyen plus efficace d’empêcher les variants de causer des problèmes dans le monde entier serait, en premier lieu, d’empêcher leur propagation. Des restrictions aux voyageurs, telles que celles observées en Nouvelle-Zélande et en Australie, peuvent sembler complexes, mais elles ont permis un retour à une normalité relative dans ces pays.
Grace C Roberts, Research Fellow in Virology, Queen’s University Belfast
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
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